Bonjour à tous, en attendant de retrouver une meilleure forme pour pêcher, à cause d’une satanée bronchite, qui m’empêche de faire quelques sorties, me voici plongé dans mes souvenirs de jeunesse, faute de pêche.
Nous sommes dans l’été 83, à peine la trentaine, je suis au top de ma forme, je travaillais pour une minoterie Grenobloise et je livrai la farine chez les boulangers de la région Rhône Alpes, seul à bord de mon vieux camion Berliet, un métier difficile et pénible et mes heures n’étaient pas comptées.
Donc, chaque semaine, je devais effectuer des livraisons dans le massif de l’Oisans, pour ce faire, il me fallait emprunter la route qui mène aux stations des Deux alpes, ainsi que celles des Htes Alpes en passant par le col du Lautaret. Tandis que le camion chargé peiné à avancer , je pouvais apercevoir sur ma gauche en montant, la Romanche encaissée au fond du ravin. Cette rivière ou plutôt ce torrent, qui prend sa source à Villar d’Arène dans les Htes Alpes, passe par la Grave, jusqu’à la retenue du Chambon et se jette dans la vallée, en passant par Bourg-d’Oisans, Vizille, Champs/Drac pour retrouver son confluent le Drac.

Je m’étais donc promis qu’un jour, je viendrais pêcher ce torrent encaissé et enfin ce fût fait cet été de 1983.
Je me souviens être parti tôt de la maison, sans personne pour m’accompagner, je tenais à découvrir ce torrent, sans le partager avec quelqu’un d’autre, une forme d’égoïsme mais pardonnable pour mon jeune âge.
Afin d’éviter les rushs des vacanciers et surtout des nombreux cyclistes empruntant cette route vers les hauts sommets des Alpes. Vous savez, ceux que l’on croise tout au long de la saison estivale, la plupart sont des aficionados du tour de France, désireux de gravir l’alpe d’Huez et ses 21 lacets.
J’arrive sur mon lieu de destination, le Freiney d’Oisans, il est 6h00 du matin. Cette petite fraicheur du matin, me dresse un frisson sur tout le corps, accompagné du chant des oiseaux, qui égaye mes oreilles.
Je sors mon thermos du sac, puis je me sers un café et j’engloutis deux chocolatines encore toutes chaudes, que je venais d’acheter chez un client à Bourg-d’Oisans. Une fois ce petit déjeuner effectué, me voici fin prêt pour une partie de pêche qui risque d’être épique. Je dis ça, parce que voyant ces gros blocs au-dessous, j’ai le sentiment que je vais devoir faire pas mal de gymnastique, je n’ai donc nul besoin d’aller en salle de sport, la nature m’offre tout ce qu’il faut pour me maintenir en forme.
Ce qui en sommes ne m’inquiète nullement, car je suis habitué à l’exercice, mon métier m’aidant à maintenir cette forme physique. Je franchis allègrement les obstacles de blocs en blocs, je passe sous les arbres, les troncs jonchent au sol et me voici enfin au bord de la rivière. Elle est belle, je l’ai vu qui serpente et chemine, créant des méandres autour des gros blocs tombés de la falaise qui surplombe cette rivière.
Ça fleure bon la pêche, les zones sont propices aux belles surprises, il y a de nombreux spots intéressants, des gouilles , des retournes, des calmes. Je passe au travers des mélèzes, les branches craquent sous mes pieds, ils sont très secs. Bonjour l’approche. Il me faut être plus discret , que je fasse moins de bruit en marchant.
Prêt à en découdre avec les truites de la rivière, j’avais souvent entendu dire qu’elles étaient grosses et qu’elles ne se laissaient pas mettre facilement à l’épuisette, le but principal de ma venue dans ce fond de ravin. L’excitation se palpe, mais attention à la chute, au risque de partir tête en avant sur un de ces gros blocs ou bien à cause d’une glissade sur les lauzes humides.
Il faut être gonflé pour venir jusqu’ici seul, même si l’on a la motivation. Quand je repense à cette sortie, je réalise, que si les vannes s’étaient ouvertes, une importante masse d’eau se serait abattue sur moi. Je comprends mieux depuis, ses panneaux mis en place par EDF avertissant du risque que peuvent encourir les pêcheurs. Cela, démontre qu’à l’époque , je n’avais pas conscience du danger et des risques potentiels que je pouvais encourir en allant pêcher seul, sous ce volumineux barrage.
Me voici à pied d’œuvre, par chance, le barrage n’a pas ouvert de vannes, je vais pouvoir pêcher en toute sérénité. La technique du jour sera la pêche au toc classique, je pêche avec une canne anglaise Browning de 3,90 m et un moulinet Shimano, garni d’un fil nylon neutre en 18/100, je passe mon Rigoletto, je noue un petit émerillon, au bout duquel, je noue mon bas de ligne en 14/100, il ne me reste plus qu’à monter l’hameçon et parfaire la plombée, qui sera adaptée au débit présent. Certains collègues n’hésitent pas à mettre du 18 en corps de ligne et du 16 en pointe, moi je tente ainsi. Si par malchance une casse survient suite à une belle prise, je mettrais un diamètre de fil plus important, je verrais bien en cours de pêche et si nécessaire, je m’adapterais à la situation.
La canne est prête à pêcher, je fais quelques passages à vide sur mes premiers essais, puis une fois la plombée parfaite, la ligne passe au ralenti, sans aucun dragage, me voilà opérationnelle, je suis fin prêt à en découdre avec les truites du coin.
Zut ! J’allais oublier l’appât, ou avais-je la tête, pour commencer cette session, je choisis des petits vers de terreaux, enfilés en totalité sur l’hameçon. Mon offrande, aux belles argentées et leurs points presque noirs sur le flanc, une caractéristique des truites de la rivière.
La pêche sera timide en début de session, puis s’activera dès l’apparition du soleil, les truites s’étaient mises à table et je commence à prendre quelques jolies truites. Les touches sont franches, les truites sont vives et combatives.
Je fais une petite pause pour me requinquer, l’heure du casse-croûte de midi a sonné. Juste à peine 30 minutes, car je ne veux pas perdre de temps et rater ma pêche. J’avance, je continue à prospecter les moindres recoins de la rivière, les touches s’enchainent, je suis à l’apogée. Durant deux bonnes heures encore, mais qu’à cela ne tienne, je ne prendrais pas les grosses truites espérées. Je terminerais cette session avec une bonne quarantaine de fario, dont la moitié fut maillée, alternant ma pêche avec des vers ou des teignes.
Il fût temps pour moi, de mettre fin à cette sortie, très harassante ou éreinté et lessivé, je suais à grande eaux, mais pas déçu. Je venais d’accomplir mon souhait de pêcher cette rivière dans ce coin encaissé, qui heureusement s’est terminée sans encombre. Ça reste pour moi un bon souvenir de pêche, que j’ai eu plaisir à partager sur ce blog !
Je profite pour faire une mise en garde sur les dangers potentiels de ce genre d’aventure en allant pêchant seul en dessous des barrages.